(Illustration: Jarred Briggs)

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Les maladies négligées par la recherche dans la mire d’une nouvelle initiative

Des membres de la communauté mcgilloise sont au cœur de Conscience, une organisation sans but lucratif qui mise sur l’intelligence artificielle et une approche de « sport d’équipe » pour stimuler la recherche sur les maladies rares ou qui menacent la santé publique et auxquelles les géants pharmaceutiques ne s’intéressent pas.

Article de Sylvain Comeau

février 2024

Rares sont les traitements pour les maladies rares.

C’est à ce problème que s’attaque Conscience, une toute nouvelle initiative de science ouverte sans but lucratif, qui entend combler les manques dans la recherche biomédicale. Établie au Canada, cette organisation collabore avec un large éventail d’établissements et d’entreprises du monde entier. Deux professeurs de McGill sont membres de son équipe de direction.

« [Le nom] Conscience évoque notre obligation envers les personnes qui souffrent de maladies rares et qui entendent toujours le même refrain : “Malheureusement, il n’existe aucun médicament contre votre maladie, et la recherche ne s’y intéresse pas” », déplore Richard Gold (B.Sc. 1984) professeur titulaire d’une chaire James-McGill à la Faculté de droit et directeur du Centre de politique de la propriété intellectuelle de McGill. Pour Conscience, il exerce la fonction de responsable stratégique en politique et en formation.

L’initiative tente de remédier non seulement à l’absence de traitements pour les maladies rares, mais aussi à l’abandon des activités de recherche en médecine « qui ne sont pas rentables et, par conséquent, n’attirent pas les investissements », explique Aled Edwards (B.Sc. 1983, Ph.D. 1988) professeur auxiliaire de neurologie et de neurochirurgie à McGill, professeur de génétique moléculaire à l’Université de Toronto, chef de la direction du Consortium de génomique structurelle (CGS) et directeur scientifique de Conscience.

Richard Gold
Richard Gold, professeur de droit à McGill, est responsable stratégique, politique et formation, de Conscience

Le professeur Edwards précise que Conscience cherche des moyens d’exploiter davantage l’intelligence artificielle afin d’accélérer la découverte de traitements. À l’heure actuelle, la recherche biomédicale de base recourt peu à l’IA.

« Un jour, nous serons capables d’observer une maladie, de découvrir ses causes et de mettre au point un médicament par ordinateur, prédit-il. Nous avons pour mission d’y parvenir le plus vite possible. »

La résistance aux antibiotiques et aux antimicrobiens, ainsi que la préparation à une pandémie, sont des exemples de domaines de recherche sur lesquels Conscience s’efforce d’attirer l’attention.

« Il n’existe pas de marché [pour des médicaments destinés à lutter contre] une pandémie qui pourrait ne jamais survenir », pointe le professeur Edwards. Le professeur Gold renchérit : « Le milieu scientifique sait qu’il y aura une autre pandémie, mais on ignore quand et quelle sera son ampleur. Nous mettrons l’accent sur la recherche de médicaments visant à la prévenir. »

Le professeur Edwards souligne que les scientifiques ont déjà dressé une liste de suspects.

« Des virologues du monde entier ont identifié les 10 à 20 virus les plus susceptibles d’entraîner une pandémie, dont la plupart sont respiratoires », dit-il.

Conscience cible en priorité deux ou trois médicaments qui pourraient traiter efficacement ces maladies virales. Par son soutien à la recherche dans ce domaine, l’équipe pourrait une fois de plus contribuer à combler un vide thérapeutique.

« Le marché [n’encourage] pas la recherche sur un virus qui, à l’heure actuelle, ne se transmet que rarement. Mais si on n’y trouve pas de remède, on risque de gros problèmes. »

Aled Edwards

« Le marché [n’encourage] pas la recherche sur un virus qui, à l’heure actuelle, ne se transmet que rarement et seulement dans une région éloignée en Inde, illustre le professeur Edwards. Mais si on n’y trouve pas de remède, on risque de gros problèmes. »

L’automne dernier, le Consortium de génomique structurelle a officiellement lancé Conscience et l’a dotée de 105,7 millions de dollars (dont 49 millions octroyés par le gouvernement du Canada). Florence Rozen (B.Sc. 1984, Ph.D. 1989) directrice scientifique des investissements au Fonds de solidarité FTQ, siège à son conseil d’administration.

À l’inauguration de Conscience, son directeur général, Ryan Merkley, a présenté l’approche de l’initiative : « Nous faisons de la découverte de nouveaux médicaments un sport d’équipe. Les échecs du marché ne doivent pas être nos échecs. Ensemble, nous pouvons développer des solutions d’intelligence artificielle (IA) et utiliser des stratégies de collaboration ouverte pour résoudre des maladies auxquelles peu d’autres s’intéressent. »

Prenant appui sur les principes de la science ouverte, Conscience a créé le défi CACHE (pour Critical Assessment of Computational Hit-Finding Experiment), une série de concours ouverts de recherche collaborative visant à trouver un remède à une maladie rare. Le premier concours portait sur un gène associé à la maladie de Parkinson. Les résultats seront présentés lors du symposium qui aura lieu en mars. Deux autres concours porteront sur un médicament contre la COVID-19 et un autre sur un cancer infantile rare.

En comparant la recherche à un sport d’équipe, Conscience espère favoriser les partenariats entre des scientifiques de différents établissements et entre des chercheuses et chercheurs de divers types d’organisations (universités, entreprises, etc.). Elle souhaite également stimuler les collaborations internationales.

« Les pays, les universités et les secteurs différents devront unir leurs efforts, tout simplement parce qu’on ne pourra jamais réunir assez de fonds pour établir un centre de recherche unique regroupant sous un même toit toute l’expertise nécessaire », affirme le professeur Edwards.

Tous les résultats seront libres d’accès au public.

« Toutes les équipes de recherche doivent consentir en amont à la diffusion de leurs données, car il n’y a aucun autre moyen de déterminer laquelle a produit les meilleurs résultats, précise le professeur Gold. Elles renoncent toutes à leur droit de faire breveter les molécules qu’elles découvrent. Nous voulons que d’autres personnes puissent s’en servir pour approfondir la recherche. Tout est ouvert, parce que dès qu’il est question de propriété intellectuelle, les travaux sont retardés de deux à quatre ans. Les négociations entre les universités et le secteur privé concernant les brevets prennent beaucoup de temps. »

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