(Photo: Christinne Muschi)

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Une voix pour son peuple

Élisabeth St-Gelais (B. Mus. 2021) ne cesse de gagner en notoriété, notamment grâce au prix d’art vocal Wirth de McGill et d’un grand prix au Concours de musique du Canada. La jeune soprano innue du Saguenay confie que ses origines autochtones forment l’assise de son art.

Article de Yara El-Soueidi

septembre 2022

La jeune et talentueuse soprano, Élisabeth St-Gelais (B. Mus. 2021) vient de vivre une année mémorable.

En mars, elle remportait la bourse de 25 000 $ associée au prix d’art vocal Wirth du concours annuel de l’École de musique Schulich. Elle obtenait ensuite le grand prix de la catégorie des 19-30 ans au Concours de musique du Canada. L’été dernier, elle interprétait le rôle de Rosalinde dans une production de Die Fledermaus [La Chauve-souris] de Johann Strauss par la Compagnie d’opéra de Berlin. Et récemment, l’étudiante à la maîtrise à l’École Schulich figurait avec quatre autres McGillois sur la liste que dresse CBC Music des musiciens classiques émergents de moins de 30 ans.

« Ça a été une belle surprise », dit-elle à propos de ce dernier honneur.

Celle dont la voix mélodieuse s’attire de plus en plus d’éloges a été encouragée à chanter par sa mère, dans son Saguenay–Lac-Saint-Jean natal.

« Ma mère m’a inscrite à un cours de chant où nous pratiquions le chant classique. Je m’y adonne depuis l’âge de sept ans. C’est ainsi qu’est né mon intérêt pour la musique classique. »

Issue d’un milieu largement francophone, St-Gelais a amorcé ses études de premier cycle à McGill avec une certaine appréhension. Aux difficultés liées à la langue s’ajoutait l’inquiétude suscitée par le déménagement dans une grande ville.

Or, très vite, « je me suis sentie chez moi à Montréal », dit-elle. « [La] scène musicale dans une ville dynamique comme Montréal est source de plaisirs variés. »

Des plaisirs vécus en bonne partie à l’École de musique Schulich, où elle se consacrait bien sûr à travailler assidûment avec ses maîtres de chant et à étudier l’opéra, la théorie musicale et les langues – tous de rigueur pour un ou une interprète d’opéra avide de réussir. Et où elle s’est aussi passionnée pour le jazz à McGill, se liant d’amitié avec les étudiants et étudiantes du programme de jazz et assistant souvent à des jam-sessions et à des concerts.

St-Gelais attribue à ses professeurs et à ses mentors de McGill, en particulier sa pianiste-répétitrice Louise Pelletier et sa professeure de chant Aline Kutan, le mérite d’avoir fait d’elle une meilleure interprète.

« Je travaille avec elles; elles sont mon équipe. Elles ont toute ma confiance. Elles prennent bien soin de ma voix. Ma voix, c’est mon travail, c’est mon diamant. C’est ma carrière. Alors, il est essentiel que lorsque des personnes s’occupent de ma voix, je puisse leur faire totalement confiance et avoir foi en leurs [capacités]. Ces personnes sont là pour moi, et moi pour elles. »

Si ses expériences à McGill l’ont aidée à trouver sa voie comme interprète, ses origines et son héritage culturel sont aussi déterminants dans sa façon d’approcher son art.

Quand elle chante, St-Gelais s’inspire du Saguenay et de ses environs; son fjord, la forêt, l’eau, les vallées, les falaises… La nature unique de sa ville natale est indissociable de l’interprète.

« Le Saguenay n’est pas immuable. Sa nature est vibrante; tout y est imposant et magnifique. Lorsque je chante, je suis consciente que l’âme et l’esprit d’où je viens touchent mon cœur. Cela me rappelle mes racines et me transporte profondément dans ma jeunesse et mes souvenirs. Le fait d’être originaire de cet endroit minuscule, mais extraordinairement spécial est porteur de sens. J’ai été élevée dans un environnement d’une grande beauté qui imprègne mon travail. »

La culture innue de la soprano est la pierre angulaire de son art. Elle a souvent dit qu’elle souhaitait mettre en valeur l’incroyable talent de sa communauté par sa musique.

« Je trouve important que mon art, ma musique et mon interprétation expriment mon lien profond avec ma culture. Voilà pourquoi, lors d’une interview, lorsque j’évoque l’histoire derrière mon art, je souligne toujours que je suis autochtone. C’est l’aspect le plus important de mon art. »

St-Gelais collabore avec d’autres artistes autochtones et espère attirer l’attention sur leur œuvre. Elle a interprété des compositions de l’Anishinaabekwe Barbara Assiginaak, a été accompagnée par le pianiste innu Alex Vollant et participe activement à des événements mettant en valeur les talents autochtones.

Aline Kutan, professeure de chant à McGill et elle-même une soprano primée s’étant produite sur des scènes du monde entier, travaille avec St-Gelais depuis 2017. Selon elle, la jeune soprano possède « une voix riche et sombre empreinte de profondeur et de force, une voix que je rapprocherais de celle de Margaret Price ou de Jessye Norman ».

« Bien qu’Élisabeth charme les oreilles par sa voix sublime, ce sont ses interprétations sincères, son esprit généreux et son désir de livrer son âme à son public qui captivent les cœurs. Cette jeune cantatrice est une interprète née, dont le nom sera souvent cité dans un avenir proche. »

Traduit par Pauline Côté

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